Bonjour à tous,
Nouvellement convertie aux bases de l’enneagramme, je souhaiterais partager une observation de mon comportement (de type 1 alpha) en famille, avec mes parents.
Je suis allée rendre visite à mes parents la semaine dernière. Habitant à l’autre bout de la France, je ne les vois pas souvent. La veille de partir, une connaissance partage sur un forum de santé naturelle qu’elle est en colère car sa mère veut se faire vacciner contre le covid. Pour info, j’ai la croyance que la vaccination est inutilement risquée. Je sais que tout le monde ne partage pas cette croyance et que c’est un sujet sensible. Mon intention n’est pas du tout de lancer ici un débat là-dessus, c’est juste un élément de contexte et l’occasion de m’observer dans toute la splendeur de mon ego
Pour revenir à ma lecture du message sur le forum, j’ai pensé sur le coup : pas de quoi se mettre en colère pour ça, mes propres parents se sont bien fait vacciner alors qu’ils savent ce que j’en pense et que je travaille avec mon conjoint dans le domaine de la santé, et pourtant moi ça ne me pose plus de problème. Je poste immédiatement un message compatissant en disant que mes parents sont vaccinés et sans effets secondaires visibles à ce jour.
Je ne suis pas à l’aise avec mon post, et rumine la chose. Mes intentions étaient-elles bienveillantes en publiant ce post ? Pourquoi est-ce que je ressens cette gêne ? Et là, une illumination : je suis en plein renoncement, soit la contrepassion [1] du type 1 ! Mon ego a réussi à me convaincre depuis des semaines que c’est parfait comme ça si mes parents sont vaccinés, c’est-à-dire ne font pas confiance à mon opinion et vivent leur vie comme ils l’entendent. Que cela ne me met plus en colère. Chacun sa vie. J’accepte leurs croyances. Je n’ai finalement plus besoin de la reconnaissance de mes parents, qu’est-ce que j’ai bien progressé, et autres foutaises…
Et dès cette prise de conscience, la colère m’envahit. Mais pourquoi mes parents ne me font pas confiance, malgré les connaissances scientifiques et l’expérience de certains cercles de décision que j’ai avec mon compagnon ? Et ce, bien sûr, bien au-delà de la vaccination. Bref… la colère resurgit, montrant bien qu’il ne s’agissait que de renoncement, c’est-à-dire d’une pâle copie de l’idée supérieure de perfection qui caractérise l’essence du 1.
Et pourtant j’aimais bien ce renoncement. C’est ça qui me permettait, selon moi, ces dernières semaines, de prendre du plaisir à appeler mes parents et à leur envoyer des messages, sans plus de rancune consciente…
Je me suis demandé s’il n’était pas plus simple de rester dans ce renoncement, de renoncer à la relation idéale que j’aimerais avoir avec mes parents… Pour accepter une relation certes plus superficielle, mais apaisée !
En continuant ma réflexion, je me suis souvenu que j’avais exprimé récemment au téléphone, face à ma mère, la colère de ne pas être écoutée et crue, de manière explicite pour une fois et non sur le ton de l’énervement contenu ou des reproches. Elle avait ri et dit qu’elle comprenait. Je l’avais vécu comme un soulagement, et j’ai l’impression qu’elle aussi.
Dans le train vers chez mes parents , je décide donc, pour ce séjour, d’assumer si besoin ma colère et de l’exprimer de façon non violente. Il me semble que ma mère, qui est 8, avait apprécié cette franchise. Il faut parler franchement et sans détour aux 8, non ?
Il reste un problème : cela me semble plus facile à faire au téléphone qu’en face… Car ma mère me terrorise (ce que je comprends mieux grâce à l’enneagramme !).
Mais si j’y parviens, n’est-ce pas une relation relativement idéale, de pouvoir exprimer ses sentiments le plus franchement possible, sans en rendre responsable l’autre ? Après tout, c’est normal que je sois en colère de ne pas réussir à les convaincre. Et en même temps, c’est normal qu’ils n’abandonnent pas leur système de croyances pour l’une de leurs filles.
Surtout que mon père pourrait être, selon moi, 6 alpha, a toujours eu très peur pour sa santé et a eu toute une carrière au service de l’Etat. Et que ma mère 8 n’a certainement pas envie de remettre en cause ses croyances pour conclure qu’elle s’est fait avoir ou a eu tort toute sa vie !
Si je m’appuie un peu plus sur l’enneagramme pour analyser ma réaction, je crois que cela interroge la place que j’ai dans cette famille. Un instinct social blessé ?
La relation idéale que je pense vouloir, à savoir que mes parents respectent mes opinions au point de les adopter, en me faisant confiance à 100%, n’est-elle pas finalement plus un caprice de mon ego blessé qu’un idéal supérieur ? La réponse est dans la question.
Le pire, c’est que je crois que la vexation face à la non-reconnaissance de mes parents prend le pas sur la menace que représente à mes yeux les effets du vaccin sur leur santé ! La colère prend le pas sur la peur. Mon ego prend le pas sur un réel altruisme. Ce n’est pas très jojo…
Bref, au final le court séjour chez mes parents s’est globalement très bien passé. Quelques scènes d’agacement, que j’identifie bien à une colère réprimée : je me ferme immédiatement et suis agacée par des détails (situation vécue 90% de mon temps avec eux à l’adolescence). Dans ces moments-là, j’ai l’impression d’être étouffée par le discours incessant de ma mère, et ses questions curieuses que je ressens inquisitrices d’autant plus que je n’y ai pas tout le temps réponse. A un autre de ces moments (ma mère m’envoyant cette fois-ci des ordres contradictoires en me criant dans les oreilles = ma perception) j’ai exprimé ma colère, ce que ma mère est vraiment capable d’entendre, en fait. Même exprimée avec agressivité, ce qui n’est pas l’idéal de mon point de vue, cela semble moins la perturber que mes non-dits et ma froideur habituels.
Sur le chemin du retour, je me demande si je suis encore dans le renoncement. Ces scènes d’agacement, même si elles ne sont plus majoritaires, montrent qu’il reste des attentes irréalistes de ma part. Mais ce que j’ai éprouvé de désagréable surtout pendant ce séjour, c’est la tristesse de ne pas les revoir bientôt (nous déménageons à l’autre bout de l’Europe). De la culpabilité de les abandonner, beaucoup, sans doute de l’introjection de leur peine. De l’amour sincère, aussi. Et sans doute encore du renoncement inconscient, oui, car je m’en voudrais d’exprimer de la colère alors que je culpabilise déjà d’avoir à leur faire subir ces adieux. Sinon, beaucoup moins de peur face à ma mère.
J’ai fait découvrir l’enneagramme à ma mère, elle y a montré de l’intérêt, a commencé le livre des Chabreuil et s’est elle-même détectée 8. Je ne vous raconte pas ma jubilation.
L’enneagramme m’aide vraiment à apprécier mes parents avec leur personnalité si particulière, bien que souvent désintégrée. A cesser peu à peu de vouloir les « corriger », de les juger sans cesse. Je me rends compte que ma propre désintégration crée du stress qui les désintègre. Cela me responsabilise. J’aurais aimé découvrir ça à l’adolescence, car j’ai l’impression de sortir doucement d’une longue crise d’adolescence (à 30 ans passés !).
Et l’enneagramme offre un sujet de discussion qui m’aide à me livrer, à parler de moi auprès d’eux, avec toujours un espoir caché que cela les aide aussi, c’est sûr, qu’ils adhérent à ce modèle que je leur apporte… L’ego toujours tapi derrière mes illusions de libération
Voilà pour mon premier témoignage sur ce forum…
Je vous remercie d’offrir ce lieu d’expression !
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Note des modérateurs : Les contrepassions sont un concept découvert par Patricia & Fabien Chabreuil. Pour en savoir plus : Passions et contrepassions. Institut français de l’ennéagramme. ↩︎