Je suis directrice de bibliothèque dans une faculté à Paris, cela m’amène à traiter assez souvent les bibliothèques de personnes décédées y compris de personnes que j’ai connues d’assez près, comme par exemple des professeurs de la faculté où je travaille.
Les livres d’une personne en disent beaucoup sur celle-ci, en dehors des thématiques qui s’en détachent on y trouve des truffes (papiers laissés dans les livres) et des annotations. Je dois dire que je suis assez souvent émue ou amusée lorsque je fait ce travail.
Dernièrement nous avons reçu la bibliothèque d’une professeure d’Ancien Testament décédée assez récemment. Je la soupçonnais de son vivant d’être 5, maintenant j’en ai la quasi certitude !
Spécialiste de l’Ancien Testament, elle c’est visiblement hyper spécialisée dans le domaine des langues sémitiques anciennes. J’ai trouvé dans sa bibliothèque un nombre très important d’ouvrages sur des langues telles que l’ougaritique ou l’akkadien, ainsi que des grammaires de grec, d’hébreu ou d’égyptien dans leurs éditions successives et bien sur beaucoup d’annotations.
Je vous partage l’une d’entre elles.
Les annotations de droite sont la traduction en hiéroglyphes du texte egyptien transcrit et traduit en anglais de gauche
Ironiquement on passe de quelque chose que le commun des mortels a du mal à comprendre à quelque chose d’encore plus incompréhensible
Cette femme était universitaire et pourtant elle a peu publié, même pour ses cours elle était connue pour privilégier le geste de la traduction plutôt que les références bibliographiques… celles-ci étaient visiblement réservées à son domaine privé. Belle démonstration de la passion d’avarice du 5 et de comment concilier un travail tel que le professorat avec un ego de 5.
Autre exemple, celui d’une bibliothèque qui aurait pu être celle d’un 7. Je n’ai pas connu cette personne, c’est donc difficile de savoir, mais on me l’a décrite comme quelqu’un de truculent et de drôle. J’ai trouvé dans ces livres un grand nombre d’annotations du type « Quel con ! » ou encore « Imbécile ! »
Les bibliothèques sont des objets extrêmement personnels surtout pour des universitaires, on y entrevoie la personnalité de leur propriétaire, voilà un des aspects qui me font aimer mon métier.
Amicalement,